En 1830, les Français se lancent à la conquête de l'Algérie. Au début, l'expédition est dirigée contre Alger. Mais très tôt les envahisseurs vont chercher à occuper l'ensemble du pays, notamment la Kabylie contre laquelle sont dirigées plusieurs expéditions. Les tribus kabyles se mobilisent fortement et combattent sur tous les fronts, d'Alger jusqu'à Constantine. C'est Lalla Fatma N'Soumer, d'une famille maraboutique, qui prend dans la région la tête de la résistance à la conquête.
Mais à partir de 1857 la Kabylie passe progressivement sous la domination française malgré des soulèvements périodiques qui culminent en 1871 avec la « révolte des Mokrani », où la confrérie de la Rahmaniya joue un grand rôle. La répression se solde par de nombreuses arrestations, des spoliations et des déportations en Nouvelle-Calédonie (c'est l'origine des « Kabyles du Pacifique »)[48]. La colonisation se traduit aussi par une accélération de l'émigration vers d'autres régions du pays et vers l'étranger.
L'administration française, à travers ses « bureaux arabes », procède à l'arabisation des noms de famille et de lieu kabyles. C'est ainsi que, par exemple, Iwadiyen devient les Ouadhias, 'At Zmenzer est transformé en Beni Zmenzer ou encore At Yahia en Ould Yahia. Après la révolte de 1871, cette action prend le caractère d'une politique systématique de dépersonnalisation[48] : pour casser la cohésion de la société kabyle, l'état civil est généralisé en attribuant des noms arbitraires et différents aux membres d'une même famille.
Pourtant le droit coutumier berbère est globalement maintenu en Kabylie, alors qu'il est aboli en pays chaoui au profit du droit musulman. Autre pratique réservée à la région : des missionnaires chrétiens y mènent des campagnes d'évangélisation jusque dans les villages les plus reculés[49]. Enfin l'enseignement du français jusqu'au certificat d'études y est assez courant alors que partout ailleurs, c'est la scholastique coranique, en arabe classique, qui est favorisée.
Ces différences entretenues n'empêchent nullement une présence kabyle massive dans les différentes formes de résistance qui s'organisent face à la colonisation. Nombreux sont les Kabyles à participer à la création en 1931 de l'association des Oulémas algériens. Plus tard, les membres fondateurs de l'Étoile nord-africaine sont aussi pour moitié originaires de Kabylie[50].
Pendant la guerre d'indépendance algérienne, la Kabylie, alors wilaya III, se trouve au cœur de la résistance au colonialisme français[51]. C'est aussi, avec les Aurès, la région la plus touchée par la répression du fait de l'importance des maquis et de l'implication de ses habitants. Le FLN y recrute plusieurs de ses chefs historiques, parmi lesquels Abane Ramdane, Krim Belkacem et Hocine Aït Ahmed, ainsi que de grands combattants comme le colonel Amirouche Aït Hamouda[52]. C'est également en Kabylie que se tient en 1956 le congrès de la Soummam, premier congrès du FLN.
La région est un bastion de l'ALN où l'armée française est tenue en échec dans sa mission de pacification, malgré l'ampleur de la répression sur les populations civiles et les moyens déployés (notamment lors de l'opération « Jumelles », dans le cadre du plan Challe, en 1959). En 1961, l'ALN parvient à y occuper plusieurs postes militaires français[53].