En 1510, sur la lancée de la Reconquista, les Espagnols s'emparent de Béjaïa. Ils organisent à partir de cette position des razzias dans l'arrière-pays. Les habitants de la région cherchent protection à l'intérieur des terres et prennent pour nouvelle capitale la Kalâa des Aït Abbas, au cœur de la chaîne des Bibans. Pour reprendre la ville, le sultan hafside de Tunis fait appel à des corsaires ottomans, les frères Barberousse[41]. Après une première tentative infructueuse, au printemps 1515 ils parviennent à emporter le vieux fort[42] avec le soutien décisif, par voie de terre, de plus de 20 000 combattants venus de la côte de Béjaïa et de Jijel et emmenés par un prince alors au service des Hafsides, Ahmed Belkadi[43]. Toutefois ils échouent à déloger les Espagnols du château neuf et doivent finalement lever le siège[42].
Vue du village de Koukou.Béjaïa est définitivement reprise aux Espagnols en 1555 par Salah Raïs Pacha, pour le compte de la régence d'Alger. Les Hafsides sont évincés de leurs possessions en Kabylie comme dans tout l'est algérien. Les victoires des Ottomans face aux Espagnols et le statut de champions de l'islam qu'ils se sont ainsi acquis favorisent leur expansion territoriale. Cependant ils se heurtent en Kabylie à la résistance de deux royaumes tribaux, celui de Koukou en Grande Kabylie et celui des Aït Abbas, ou de la Medjana, dans les Bibans et la vallée de la Soummam.
Le royaume de Koukou[44], qui durera deux siècles[45], est fondé au XVIe siècle par Ahmed Belkadi, l'un des acteurs aux côtés des Ottomans du siège de Béjaïa, revenu s'établir chez les Aït Ghobri d'où sa famille était originaire. En 1520, attaqué par Khayr ad-Din Barberousse, il le défait dans la plaine des Issers et s’empare d’Alger. Il y règne plusieurs années avant d'être à son tour vaincu par Khayr ad-Din avec l'aide des Aït Abbas.
En Petite Kabylie, le royaume des Aït Abbas se maintient jusqu'à l'arrivée de l'armée française. En 1823 ils entrent en révolte contre l'autorité de la Régence et coupent les voix de communications entre Alger et Constantine. Ce n'est qu'après plusieurs mois de combats que l'agha Yahia parvient à négocier la soumission des tribus révoltées[46]. Globalement les deux royaumes, qui bénéficient d'une certaine reconnaissance internationale (représentations diplomatiques en Espagne, notamment), contribuent à préserver une relative autonomie administrative de la région par rapport au reste de la régence d'Alger[47].
Il s'ensuit une situation de rivalité entre Ottomans et Kabyles pour le contrôle d'Alger, alternant les phases de paix et de guerre. Cependant leurs relations se stabilisent à l'époque des deys, ceux-ci se préoccupant de moins en moins d'administrer la Kabylie. De plus, de nombreux corsaires et miliciens de la régence sont recrutés localement, notamment parmi les Kabyles, afin de contrebalancer le pouvoir des Janissaires. Certains beys, comme Ahmed Bey, ont aussi des origines en Kabylie